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Gagner sa vie ça coûte cher
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5 mars 2007

IMMERSION CONSUMÉRISTE

Franchement, soyez honnêtes, ça vous est déjà arrivé d’aller faire vos courses dans un supermarché ?

Moi, afin d’améliorer mon immersion en milieu hostile et peu hospitalier, ma douce avait décidé de m’emmener faire les courses une fois pour voir le charme du pack d’eau et de l’attente aux caisses, lieux où les gens poussent devant eux des chariots à roulettes à des fins alimentaires et ménagères.

J’avais dégagé une paire d’heures à cette fin peu ludique suite à un pari perdu sur le prix d’un litre de lait.

Je ne devrais jamais me lancer dans ce genre de pari propre à un chauffeur de taxi et une ménagère de moins de cinquante balais.

On avait décidé de tenter ce challenge tôt le matin, et en une heure de temps, j’allais croiser ce que la France fait de mieux en terme de désastre consumériste.

Comme toujours quand je vis un choc émotionnel, je me dois grâce à ma plume agile, de décrire ce que mes yeux ont vu, et vous narrer l’indicible, afin de soulager mes neurones déjà bien agressés par la vie commune de nos concitoyens.

9 heures pétantes, vu la clientèle, c’est pas détonnant, levés depuis trois heures, armés de leur caddie comme d’une baïonnette, ils attendent l’ouverture des locaux pour se ruer à l’intérieur, saisir une baguette de pain, une salade, un bout de viande pour le chat, un litre d’Hépar pour la protaste et ressortir à toute vitesse, croyant le parking payant.

Visiblement c’est le troisième âge qui inaugure la journée.

Pour eux la visite sera brève, comme la miction à cet âge, mais répétée au cours de la journée au gré des oublis et des trous de mémoires, aussi fréquents à cette époque de la vie que les taches sur la chemise commises au cours des repas.

Ayons d’ailleurs une pensée pour les nombreuses chemises innocentes et masculines et les non moins aussi nombreuses robes à fleurs qui seront entachées dès le premier repas de la journée, la sauce et l’assaisonnement étant fatals pour nombre de mains fébriles à l’idée de manger.

Le blaireau moyen, lui, arrive un peu plus tard, il est allé pointer d’abord, la Renault bien garée sur le parking, le pare soleil au dessin suggestif en place, les alarmes branchées, la parano en bandoulière comme art de vivre.

Faut dire qu’une Renault passe de l’état neuf à l’état de voiture de collection en un an et que notre quidam à neurones avariés confond voiture de collection et épave, d’ailleurs n’oublions jamais qu’une épave chez un pauvre s’appelle une voiture de collection chez un nanti, et que la parano ouvrière dans une cohésion sociétale parfaite croit avoir une voiture de collection au lieu d’une épave et donc la protège comme il se doit. Compris ? Non, faut relire c’est pourtant simple et de bonne facture.

Le caddie chez le démuni est ambitieux, l’entrée sera volontaire, la liste griffonnée avec moultes fautes servira de garde fou, les dérapages en ces terres étant périlleux comme à bord d’une Peugeot surchargée un jour de départ en vacances au camping de la Baule.

On commence par un petit tour aux journaux, au moins ici, tu consultes et c’est gratuit, pas de remarques, et pas obligé d’acheter "AUTO PLUS", l’hebdo imprimé sur du papier toilette avec des photos de voitures que même toi, tu n’oserais pas venir avec, tellement elles sont belles et ont peur des rayures.

Faut dire, les places de parking sont étroites comme au collège de mon second, mais le prolétaire à le sens du gadget et a donc équipé sa Renault d’embouts qui brillent (eux) et qui protègent de l’agression urbaine.

Il va ensuite écouter le dernier de la starac avec un casque que pour se le poser sur la tête, faut pas être sensible du cuir chevelu, car c’est l’herpès crânien immédiat, ensuite les livres, mais là beauf ! c’est pas terrible.

Il continue le chariot vide pour arriver au rayon saisonnier, parce qu’il faut dire que le gugusse, il est venu pour le remplir ce chariot à roulettes qui coincent.

Au printemps, tu vas ressortir avec un salon de jardin vert avec motifs du plafond de la chapelle Sixtine au milieu de la table et rappel sur le dossier de chaque fauteuil, pour un peu tu vas te croire à l’église quand tu cuves ton apéro à base de pastis frelaté et de chips bon marché. Le salon bien sûr est en vrai plastique, c’est pour pouvoir le jeter en fin de saison.

L’été, c’est la piscine en plastique là aussi, avec armatures, obligé de changer l’eau tous les deux jours et de colmater les fuites, le plastique ayant l’épaisseur, et c’est normal, de ton porte monnaie.

L’automne, c’est le rangement, et cela tombe bien avec la tonne de trucs en tout genre que tu as acheté, il va bien falloir stocker.

L’hiver, ce sont les jouets, la bouffe, le luxe et le blanc.

Les jouets, ça commence au mois d’octobre, bon c’est pas l’hiver je sais mais il fait sombre et froid et c’est tout comme.

Noël c’est en décembre, mais comme il est prévenant le monsieur, il va falloir qu’il planque dans son pavillon ridicule, un tracteur à pédales avec remorque et si il a la chance d’avoir aussi une future caissière à la maison, il peut rajouter la Barbie et tous les accessoires, landau, poussette, tous ces trucs qui ne tiennent que très peu de place.

Ensuite la bouffe et le luxe : la bouffe, c’est souvent la même indigence que le reste de l’année, mais l’emballage est festif, souvent doré, voir argenté en tout cas plus que le pousseur poussif de ce chariot adipeux.

Foie gras, dinde, saumon d’élevage sauvage en milieu fermé de plein air, chapon label rouge, produit introuvable le reste de l’année que tout cela.

Avec tout ça bien sûr, tu invites la famille, et dans le lot il y a du frais et du moins frais alors les nappes et les serviettes dégustent autant que les convives, voir plus, vu l’art mineur que représente en milieu défavorisé la confection de mets sophistiqués.

Heureusement Janvier est la saison du "blanc", drap, housse, drap housse, couettes avec les plumes du chapon de noël, nappes, serviettes, linge de toilette.

Papy et Mamy peuvent manger tranquilles, tu as de quoi changer la nappe, les serviettes et les draps, parce qu’en plus le prolo se regroupe de façon rituelle en des dates très précises en tout cas aussi précises que les baleines qui convolent en des eaux glaciales à des fins de perpétuation de la lignée.

Chez les Durand Dupond, le mal est fait et donc les rejetons sont présents, et le mâle l’est aussi, fait, mais comme une caisse donc madame n’aura pas à supporter l’assaut alcoolisé fait d’un coup de rein unique et ultime.

Après le rayon saisonnier, arrive le rayon textile qui mérite à lui tout seul un sous chapitre.

Le choc, l’arrêt net, la découverte, le truc que tu n’imaginais pas même dans tes cauchemars les plus fous et nerveux.

Arriver à faire autant de trucs moches avec un rouleau de tissu, tu en tombais des nues.

Tu connaissais les rideaux, les nappes susnommées, les draps, mais là devant toi, exposées OUI exposées, avec le même tissu et le même rouleau, il y avait des jupes, des robes, des corsages (depuis longtemps), comment pouvait on avoir autant d’imagination pour à ce point injurier un œil averti, comment pouvait on oser montrer une vision aussi immonde de l’art de se vêtir.

Je restais coi et absent.

Le rayon chaussures quand à lui frisait le supportable, du plastique partout, pas un cm de cuir aux alentours, pas une couture, de la colle qui sent fort.

Tu mets les chaussures un jour, et le soir tu es obligé de les mettre sur ta terrasse en prévenant les voisins que tu n’as pas tué un rat dans la soirée tellement ça sent méchant.

Rayon beauté, j’évite, du rouge à lèvre sur dix mètres des déodorants pour éléphants, des fonds de teint qui vont faire endurer à ta lessive un calvaire, du gel douche fait à base de napalm, et des crèmes de soin qui se rapprochent plus de la motte de beurre que de l’élixir acheté à vil prix dans des boutiques faites pour cela et rien d’autre.

Et puis enfin la sustentation journalière, la bouffe de tous les jours, les pâtes, le riz, les conserves surtout, les féculents en fait.

Le frais, tu vas tâter une paire de saucisson, de toute façon, tu n’achètes rien sans avoir toucher, tâter, soupeser.

Le prof grave, le prolo tâte, pour le saucisson, mieux vaut enlever la peau derrière.

Et puis le must en été, c’est le melon, deux heures devant l’étalage, d’abord la vue, le cul du melon, son odeur, sa robe, son aspect général, puis le poids, un dans chaque main, on soupèse, re l’odeur, on colle son nez dessus pour déceler le bouquet, l’arôme.

On repose tout et puis l’on recommence pendant quinze minutes.

Je ne vous raconte pas quand tu vois le temps pour choisir un melon le temps qu’il faut pour choisir la future Renault à la concession.

Ensuite, le fromage, les desserts et les alcools avec dégustation du petit producteur local de vin rouge.

Tu t’approches, c’est gratuit, tu vas goûter dans un gobelet en plastique, donner ton avis bien entendu sans appel.

Ah le nombre d’érudits, de compétents, de "qui savent apprécier", ensuite les congelés pour le congélateur qui n’en peut plus des cuisseaux de chevreuil suite à un carambolage dans la forêt de Fontainebleau.

Arrive la caisse ou il va tout sortir pour comptabiliser l’infortune, tout remettre, payer avec la carte de client fidèle, carte qui te donne droit à des points qui te mènent direct au service à thé en porcelaine de chine "made in koréa".

Retour sur le parking, à la voiture, lui devant avec le bolide à roulettes chargé comme un van de surfers à l’annonce de la vague du siècle sur les pentes de Courchevel, elle derrière qui vérifie et qui épluche (chacun son talent) la note, des fois que la jeune stagiaire ait fauté dans la facturation

Arrivée triomphale à la maison, déballage, monticule dans la cuisine, éjection des denrées périmées du fond du frigo et remplissage consciencieux, l’horreur du vide comme colonne vertébrale.

Voilà j’en ai fini de ma thérapie alimentaire et de ma fièvre acheteuse, je retourne en des lieux plus sereins ou on ne risque pas d’être à ce point tourmenté par des vues insipides de joies éphémères que sont le shopping en milieu usager, joies qui ne se renouvellent guère dans le style mais souvent dans le temps……………………

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