De bon matin, un matin ordinaire
J’aurais toujours autant de mal à comprendre le monde salarié.
J’ai
beau en avoir un certain nombre de tous âges, couleurs, sexes et
religions, je n’arrive pas à conceptualiser ce qui les pousse à se
lever le matin, pour aller faire et exécuter une tache répétitive,
abrutissante, et sans but précis autre que de me permettre de vaquer en
des endroits idylliques et de m’adonner à des activités festives,
dispendieuses, mais aussi de me permettre de payer une soulte à l’état
providentiel, qui s’en sert pour nourrir une horde de fonctionnaires,
qui surveille la pendule de leur vie, comme celle du bureau et qui
revendique de façon pavlovienne comme un ultime sursaut dans cet océan
de platitudes innocentes ou la moindre vaguelette déclenche une
tachycardie que seul un arrêt maladie et une tonne de pilules aident à
faire passer.
L’autre jour, pour des raisons de beuveries
tardives et matinales suite à un repas d’affaires qui n’en finissait
plus et un contrat important pour la pérennité de ma holding, je me
suis retrouvé en des heures, ou normalement les gens se lèvent pour
aller gagner leur pain, en train de croiser du fond de mon auto, les
quelques ouvriers qui continuent malgré le danger de la circulation
d’aujourd’hui et les transports en communs, à pédaler en sifflotant
vers le dernier vestige de l’usine à papa.
Non content d’aller en des lieux de labeur incertain, ils chantonnent au bras de bicyclettes à éclairage douteux.
Bravant
le danger d’un chauffard alcoolique, il vont pendant quelques heures
monnayait leurs poignets et leurs bras tatoués afin d’honorer la traite
mensuelle d’un pavillon ou s’entasse de façon anarchique le résultat
d’un contrôle des naissances aléatoire.
Voyant ce spectacle
pathétique sous le réverbère de mes pensées embrumées comme un matin en
région parisienne, je me fis une fulgurance cérébrale qui me poussa
vers une idée familiale qui consisterait à réveiller mes enfants un
jour pour leur montrer une usine le matin de très bonne heure.
Voir
leur effroi devant l’indicible de cycles en vélos attachés à des
socles, de ces gens habillés pour subir un affront, de ces rires
appuyés sur le film de la veille, de ces rictus sombres au devant de
l’ennui, de ces démarches trompeuses qui tuent tous les tourments, des
évasions fugaces l’espace d’un instant, de ces cigarettes qui consument
un bout de ses destins, de ces cafés trop chauds qui brûlent les
palais, de ceux qui au détour on ne croisera jamais, des lueurs
immobiles qui forgent les chagrins, des parcours imbéciles que l’on
croient bien malins, de ce que l’on décide au creux de ces matins ou la
vie impassible avance sans entrain.
L’idée bien que lumineuse me
sembla incongrue, je me devais de protéger mes enfants d’une vue
affligeante d’hommes au travail à des heures impossibles.
Ils seraient capables par mimétisme de ne plus vouloir faire de grasse matinée et de se lever aux aurores pour jouer au PC.
Ce n’est pas à seize ans que l’on découvre les horreurs de la vie, il faut être adulte.
Déjà
qu’au collège et lycée, ils ne sont pas épargnés par un corps
enseignant qui se plaint de courbatures tout au long de l’année, hors
vacances scolaires, moments de repos fort nombreux pendant lesquels,
ils s’adonnent à leur deuxième passion, trouver un sens à leurs ennuis
et leurs envies.
De toute façon, c’est décidé, l’an prochain, je
les mets dans le privé, on m’a rapporté d’ailleurs que le niveau
professoral est bien meilleur et doublement motivé.
Bon,
revenons à ce matin brumeux ou mes pensées allaient bon train devant ce
défilé de vélos lumineux, de voiturettes à crédit, et de mines
blanchies par les néons aigris de ces immenses hangars ou passent toute
ces vies à l’abri des regards qui tels des miroirs de ces choix
ridicules t’évitent de partir un beau jour dans la nuit.
Du fond
de mon sofa à roulettes sur gonflées et moteur appropriée, je me
demandais ce qui pouvait faire tenir toute une vie, un tel manque
d’avenir, cet automatisme outrancier qui ne souffre d’aucun écart, de
ces mimétismes d’horaires jamais variés qui te mènent de silences en
vacarmes usinés vers la fin de ta vie sans prévenir plus que le train
de banlieue qui emmènent sa cohorte de fameux assoiffés vers la ville
prodigue qui distille à grand cris des envies insoumises et des
parterres de fleurs que cueillent quelques heureux courages mais qui
laissent rêveurs au bras des laborieux, la bouche entre ouverte,
attendant la béqué de reliquats infimes, qui nourrissent ainsi des
peuples endormis, sur les banquettes rêches de ces trains de banlieues.
Qu’allaient
ils donc chercher de façon matinale, quels étaient donc ces rêves
jonchant les certitudes de ces parcours prescrits comme belles
ordonnances, régler toute une vie à défaut d’existence, parler de ce
néant qui forge une ressemblance, et qui fait s’alanguir aux portes les
soucis.
Du fond de mon carrosse, je contemplais cela, le dépit à
la gorge et la toux en deçà, mais bon, je dérapais dans le temporel
triste et malheureux et je devais cacher ce texte et reprendre le fil
de mon propos.
Montrer à la face que rien n’est plus joyeux que
de côtoyer un syndicaliste belliqueux en des réunions infinis ou le
propos confus s’étiole comme le parfum codebarisé de caissières
anonymes.
Je rentrais au manoir et siestait de bonne heure.
La journée allait être animé…………… J’avais RDV avec le comité………………………